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Bordeaux : éternels grands vins
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Bordeaux : éternels grands vins

À l’approche de la campagne des primeurs, les derniers sondages d’opinion et chiffres de popularité recueillis auprès des professionnels par Wine Lister, en partenariat avec Wine-Searcher, montrent que les vins de Bordeaux ont le vent en poupe. Chloe Ashton, directrice des opérations de Wine Lister, décode cette tendance à l’aune de l’histoire du Bordelais, et propose des clés pour comprendre le statut de patrie des grands vins dont profite la région.

Bordeaux : mon premier amour. 

Pour de nombreux représentants de la classe moyenne britannique de ma génération, l’expression « vin de Bordeaux » est gravée dans les souvenirs d’enfance comme le symbole d’une sophistication et d’un matérialisme auxquels seuls les baby-boomers peuvent vraiment s’identifier. Le succès commercial des bordeaux au cours du siècle dernier a largement contribué à faire naître un véritable comportement social (du moins en Grande-Bretagne) : si vous achetiez un bordeaux en primeur, pour le laisser en cave et le déguster plusieurs années après, vous aviez découvert une culture gastronomique allant bien au-delà des coutumes nationales, signifiant, de fait, que vous aviez « réussi dans la vie ». Aujourd’hui, cette conception peut sembler totalement désuète, voire très étroite, mais elle reste vraie à bien des égards. Déguster des vins de qualité, et montrer que vous les connaissez bien, est toujours un marqueur social de réussite. Et si cet intérêt se doit aujourd’hui d’englober de nombreuses autres régions, c’est avec le bordeaux que tout commence, encore et toujours. J’admets volontiers que mon point de vue de Britannique est partial, mais ses racines sont profondément ancrées dans notre histoire.

 

Bordeaux à la rencontre du monde : bref historique

Si les premières exportations de vin dont il est fait mention dans l’histoire remontent à la Grèce antique, c’est le mariage d’Henri Plantagenêt et Aliénor d’Aquitaine en 1152 qui a créé un marché pour l’exportation des vins de Bordeaux et contribué à établir avec la Grande-Bretagne une relation qui perdure aujourd’hui encore. L’intérêt pour la région s’est renforcé au 18e siècle sous l’influence des marchands hollandais, ouvrant alors aux vins de Bordeaux la voie des Amériques. Après l’énorme crise du phylloxéra et une longue période de ralentissement des exportations, les dernières décennies ont été témoins du retour à la prospérité de la région. Le très réputé millésime 1982 a notamment permis d’asseoir la présence des vins de Bordeaux sur le marché américain. Depuis, l’engouement suscité plus récemment par les millésimes 2009 et 2010 dans les pays asiatiques, la région peut véritablement se prévaloir d’une reconnaissance internationale. Aujourd’hui, la domination mondiale du Bordelais en termes de notoriété auprès des consommateurs est totale, et la Place de Bordeaux à ce qu’il soit représenté sur tous les marchés d’exportation possibles. Et si les goûts et les intérêts des clients se sont certainement étendus, au cours de la dernière décennie, à d’autres styles de vins et régions viticoles comme la Bourgogne, la Toscane, le Piémont, la Californie ou le Nouveau Monde, la réputation des vins de Bordeaux au niveau mondial est demeurée intacte.

 

Le vin en chiffres : Bordeaux toujours bien présent

La plateforme d’information et d’analyse Wine Lister mesure la popularité des vins et des régions viticoles en se basant sur les recherches mensuelles effectuées sur le site web dédié aux vins le plus visité au monde : Wine-Searcher. Exprimés à travers un classement incluant 5 000 vins différents, les résultats montrent que Bordeaux reste de loin la région la plus recherchée à l’échelle mondiale. Selon cet indice de popularité, 46 des 100 premières marques de vin sont en effet des maisons bordelaises, les 54 autres étant réparties entre la Bourgogne, l’Italie, la Champagne et le Nouveau Monde. En extrapolant un peu, on en déduit que si 46 % de l’ensemble des bouteilles consommées par les amateurs de grands vins sont des bordeaux, la région suscite toujours un intérêt majeur.

Après deux années marquées par la pandémie, au cours desquelles les collectionneurs sont de nouveau descendus dans leurs caves pour redécouvrir les plaisirs des grands bordeaux, ravivant peut-être l’intérêt pour cette région, Wine Lister a publié la première partie de son étude annuelle sur les vins de Bordeaux. La plateforme a ainsi demandé à 47 acteurs de premier plan sur le marché international du vin d’évaluer, sur une échelle de 0 à 10 (0 signifiant « aucune confiance »), leur niveau de confiance à l’égard d’une série de marques de vin, et les trois quarts des répondants ont attribué aux vins de Bordeaux des notes de confiance plus élevées que l’année dernière.

Un outil pour comprendre le vin

L’enthousiasme récent pour la Bourgogne a, en écho aux quantités relativement limitées produites dans cette région, incontestablement fait naître l’idée que « ce qui est petit est beau ». Mais il est peu probable que ce type de tendances de consommation soient assez puissantes pour balayer des siècles d’histoire. La confiance inspirée par les vins de Bordeaux n’est pas liée seulement à leur qualité, mais aussi à leur fiabilité. Le fait que les domaines du Bordelais soient à même de produire des vins d’un tel niveau en quantité suffisante pour satisfaire les marchés du monde entier, une performance jusqu’ici inégalée par les autres régions, est indéniablement remarquable. C’est en partie ce qui a permis à la région d’être considérée comme une source inépuisable de vins de qualité, de devenir « la » norme en matière de grands vins, et de façonner les attentes des amateurs à la recherche de la satisfaction apportée par l’« expérience œnologique » en général. Structurés de manière relativement facile à comprendre, les vins de Bordeaux constituent un outil extrêmement précieux pour la formation en matière de vin. Si les bouteilles de vin rouge, vin blanc et vin doux permettent aux curieux d’appréhender le concept d’assemblage des cépages, les appellations encouragent les plus aguerris à reconnaître les caractéristiques typiques des terroirs et des styles. Enfin, les systèmes de classification établissent un certain ordre et orientent les attentes des consommateurs en matière de qualité, tout en offrant une leçon d’histoire pour comprendre le succès mondial inégalé de la région.

 

Une puissance pour le futur

L’histoire de la région a certainement contribué de manière significative à sa popularité ininterrompue, mais aujourd’hui les enjeux de consommation évoluent, et Bordeaux est en mesure d’y répondre. La perspective très réelle du changement climatique et de ses effets imprévisibles sur les phénomènes météorologiques constitue une menace pour la production de vin partout dans le monde. Les conséquences sont de deux natures avec, d’une part, une nouvelle génération de consommateurs qui veut des vins élaborés dans le plus grand respect de la planète et, d’autre part, l’obligation pure et simple, pour les viticulteurs, d’adapter leurs pratiques, dans les vignes comme au chai, pour contenir l’impact du réchauffement climatique. Ces deux défis exigent de disposer de ressources, de connaissances et, surtout, de moyens financiers pour soutenir les initiatives. Et c’est là que Bordeaux se distingue, tel un chevalier en armure étincelante au service du vin, capable de faire face à toutes les menaces.

Certes, Bordeaux n’est peut-être pas la « folie » du moment, mais personne n’oublie son premier amour.

 

 

Chloe Ashton, directrice des opérations de Wine Lister

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