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« Bordeaux est l’une des raisons pour lesquelles je suis tombé amoureux du vin »
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« Bordeaux est l’une des raisons pour lesquelles je suis tombé amoureux du vin »

Élu meilleur sommelier d’Europe en novembre dernier, Salvatore Castano cultive un lien affectif intime avec les Grands Crus de Bordeaux. Une love story que l’Italien raconte à Vintage. Rencontre avec un esthète.

Bonjour Salvatore, vous avez récemment été sacré meilleur sommelier d’Europe, comment avez-vous vécu ce titre ?

C’était très inattendu ! J’avais déjà participé à de nombreux concours et j’avais toujours été sur le podium sans jamais gagner. Mais j’ai remporté le plus important (rires). C’est donc une très grande joie car c’est le couronnement de tous les sacrifices que j’ai faits. Ce titre je le dois aussi à toutes les personnes qui ont cru en moi et m’ont aidé pendant la préparation du concours.

Comment vous préparez-vous pour ce genre de compétitions ?

Ça n’est pas le genre de concours qui se prépare en un an ou deux. Pour la partie théorique, la connaissance requise est si importante qu’en réalité seules des années de travail et d’études minutieuses du vin permettent d’y briller. J’ai débuté ce travail il y a maintenant 7 ans quand j’étudiais pour passer l’examen du Court of Master Sommelier. Depuis, je n’ai jamais arrêté. Ensuite, le service était pour moi l’épreuve la plus naturelle car c’est un exercice que je pratique quotidiennement au restaurant. Enfin pour la partie dégustation à l’aveugle, je me suis entrainé tous les jours pendant les deux mois précédant la compétition. Je goûtais aussi bien des vins que des spiritueux. Mes amis m’aidaient en créant des scénarios, des mises en situation de tournoi.

"Il faut penser comme un docteur qui fait un check-up à un patient..."

Quel état d’esprit faut-il adopter lors d’une dégustation à l’aveugle ?

Il faut penser comme un docteur qui fait un check-up à un patient. Tu analyses le niveau d’alcool, le sucre, l’acidité…

Pourquoi as-tu décidé de devenir sommelier ?

Je suis dans la restauration depuis que j’ai 15 ans. J’ai notamment travaillé en Italie pour le prestigieux Groupe Belmond, qui recevait dans ses établissements des clients importants et fortunés. Nous vendions des vins de légende. Petit à petit, cela a piqué ma curiosité. Je me suis intéressé à ces vins. Pourquoi sont-ils plus ou moins chers ? Pourquoi ont-ils des styles si différents ? A quoi sert de les décanter ? J’ai passé mes premiers diplômes en Italie. Puis j’ai eu l’opportunité d’aller à Londres ou j’ai poursuivi dans cette voie que j’aimais beaucoup.

C’est quoi une belle carte des vins selon vous ?

Selon moi, une belle carte des vins doit être facile à lire et à comprendre. Elle doit être variée, proposer des bouteilles qui viennent des différentes régions viticoles du monde. Je pense aussi qu’elle doit être démocratique, accessible et proposer des références dans des gammes de prix différentes pour que les clients qui ne sont pas forcément les plus fortunés puissent également se faire plaisir et découvrir des belles choses. Le travail de sommelier est fascinant car il consiste à trouver d’excellents vins pour tous les clients. C’est pourquoi une chose est essentielle pour moi : il faut absolument goûter tous les vins qui sont sur la carte et rendre visite aux vignerons. Cela permet d’aller chercher des pépites de petits producteurs aux prix raisonnables. C’est aussi notre responsabilité de faire découvrir au public ces vignerons méconnus qui font des vins exceptionnels.

Quelle est ta relation avec Bordeaux ? Qu’est ce qui rend Bordeaux spécial à tes yeux ?

Bordeaux est un endroit magique, qui a une histoire incroyable. J’ai toujours été fasciné par Bordeaux. C’est l’une des raisons pour lesquelles je suis tombé amoureux du vin ! Quand je suis arrivé à Londres en tant que sommelier débutant il y a 7 ans, c’est le premier voyage que j’ai fait. Cette première visite à Bordeaux, c’était comme un rêve qui devient réalité. Tous ces châteaux incroyables me semblaient irréels. Pour quelqu’un comme moi qui découvrait le vin, c’était extraordinaire. Depuis j’y retourne régulièrement. Je pense que j’ai eu l’occasion de visiter quasiment tous les Grands Crus. La dernière fois, j’ai passé 5 jours dans le Bordelais. Nous avions fait 7 dégustations par jour. C’était très intense !

Tu as des souvenirs particuliers de ta première rencontre avec Bordeaux ?

Ce voyage est un grand souvenir. J’étais avec ma fiancée et nous avions été visiter tous les grands châteaux, notamment Yquem, Haut-Brion et Mouton Rothschild. J’ai d’ailleurs un souvenir lié à Mouton Rothschild que je vais vous raconter. Quand tu es jeune, tu n’as pas beaucoup d’argent et pas forcément les moyens d’aller au restaurant. Alors entre deux dégustations, nous avons acheté du pain chez le boulanger, de la charcuterie française et nous avons préparé des sandwichs. A l’heure du déjeuner, nous nous sommes garés le long de la route et nous avons mangé sur le pouce dans les vignes de Mouton Rothschild. C’était génial. Et la dégustation qui a suivi était incroyable. Mouton Rothschild est un vin mythique que je rêvais de gouter. C’est un souvenir que je n’oublierai jamais. Ni cette première fois, ni le panino dans les vignes (rires).

Depuis vous retournez régulièrement à Bordeaux, qu’est-ce qui continue à vous surprendre dans la région ?

Professionnellement, je pense que Bordeaux et la France plus généralement ont 50 ans d’avance sur le reste du monde. Dans la manière de penser le vin, d’en faire la promotion, le marketing. Et au niveau des sensations, l’atmosphère est spéciale à Bordeaux. La région est magique. Les vignes, l’océan, l’estuaire de la Gironde en font un endroit unique. Avec ma fiancée nous avons aussi beaucoup aimé le Cap Ferret.

Avez-vous une appellation de prédilection ?

J’adore Pauillac, c’est une appellation qui produit des vins audacieux, riches. Il y a au départ ce nez vert que j’aime. Margaux est aussi une très belle appellation qui produit des vins très élégants.

Quand vous avez remporté le titre de meilleur sommelier d’Europe, on vous a offert un cadeau assez spécial…

On m’a offert une bouteille de Phélan-Ségur 2012. C’est effectivement une bouteille très spéciale car 2012 est un millésime particulier. C’est l’année où j’ai rencontré ma fiancée. Le symbole est très fort. Je n’ai pas encore bu cette bouteille, j’attends une occasion spéciale.

Quel est votre dernier souvenir de dégustation de Grands Crus de Bordeaux ?

J’ai récemment eu la chance de goûter une superbe série de 2019’s sur le stand de l’Union des Grands Crus de Bordeaux à Vinexpo. J’ai eu un coup de cœur pour le Figeac 2019. Un vin incroyable qui m’a beaucoup surpris car il est déjà très ouvert, très opulent, super expressif. On peut le boire maintenant ou attendre 20 ou 30 ans. C’est un grand vin.

Qu’espérez-vous du championnat du monde de sommellerie à Paris l’an prochain ?

Ça sera un concours très difficile car la concurrence est rude. Je vais préparer le concours comme j’ai préparé le championnat d’Europe à Chypre. Mon objectif était d’arriver en demi-finale, ensuite c’était du bonus. Je sais que les attentes sont plus grandes puisque je suis champion d’Europe. Mais je ne veux pas que cela m’influence. Je veux juste profiter, m’amuser et advienne que pourra !

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