La vigne continue #1 avec Alexander Van Beek
Immersion dans l’appellation Margaux, Château Giscours et Château Du Tertre, au printemps 2020.
La France a entamé une période de confinement, il y a plus d’un mois, comment cela va-t-il impacter le fonctionnement de votre domaine ?
Tout d’abord, notre priorité est la protection de nos salariés et donc de leurs familles.
Nous avons appliqué les mesures barrières recommandées et avons gardé une activité des services vitaux pour nos domaines.
Faire en sorte que le cycle de la nature puisse continuer est également important car avec l’arrivée du printemps, la vigne est en pleine pousse. Nous avons donc maintenu l’activité viticole en faisant respecter les distances de sécurité entre salariés, chacun dans sa parcelle.
Au chai, nous surveillons les vins en élevage avec un effectif réduit et nous nous préparons à la mise en bouteille du millésime 2018.
Notre service réceptif est bien sûr à l’arrêt mais l’activité commerciale continue.
Comment cela modifie-t-il votre quotidien personnel ?
Cette période de l’année est très importante pour Bordeaux car nous célébrons la naissance d’un nouveau millésime. Aujourd’hui le confinement nous oblige à rester éloignés les uns des autres, coupés du monde extérieur. De plus avec l’absence d’une partie de notre équipe, nous nous sentons un peu seuls !
Cette période vous amène-t-elle à repenser votre façon d’exercer votre métier ?
Cet épisode nous aura immanquablement ouvert les yeux sur certains de nos déplacements que nous pourrions épargner en privilégiant davantage les vidéos conférences. D’un point de vue commercial, l’impossibilité de rencontrer nos clients nous oblige à nous rapprocher de nos partenaires fidèles et aussi d’alimenter leurs réseaux en fournissant de l’information et en faisant preuve d’initiatives pour ne pas perdre le contact.
Beaucoup de personnes soulignent que la nature reprend ses droits et qu’ils « entendent à nouveaux les oiseaux chanter". Avez-vous remarqué des changements dans votre environnement ?
Nous avons la chance à Giscours et Château du Tertre d’être dans des environnements très naturels donc heureusement nous entendions les oiseaux chanter aussi avant le confinement…
Ceci dit, et pour parler plus sérieusement, si nous devons trouver quelques côtés positifs à cette crise globale sociale et économique c’est assurément la baisse de la pollution.
Est-ce que votre cru, ou vous-même, participez déjà à des actions solidaires ? Pour soutenir les soignants, les malades, par exemple.
Nous avons fait des dons d’équipements de protection pour les équipes médicales des communes voisines.
Nous avons aussi commandé massivement des masques pour fournir à nos salariés, l’entourage et bien sûr pour le corps médical qui en manquait cruellement. Nous avons aussi participé à des actions dédiées aux soignants en fournissant non seulement du matériel mais aussi des repas.
Pourriez-vous nous parler de votre millésime 2019 ?
Le 2019 est pour nous un millésime très important car il marque le début du renouveau de nos propriétés, initié par l’arrivée de la nouvelle génération de propriétaires à la tête de nos domaines. Nous avons travaillé sur les identités de Giscours et Château du Tertre tout en essayant d’atteindre le maximum qualitatif à tous niveaux.
Le point crucial au niveau viticole en 2019 a certainement été la gestion du régime hydrique de manière à éviter toute restriction excessive et garder une bonne photosynthèse pendant les moments de pics de chaleur.
Pour Giscours, nous avons mis tout en œuvre pour travailler sur deux notions qui nous tiennent beaucoup à cœur : l’éclat aromatique et la délicatesse des tannins.
Pour Tertre, nous avons essayé de garder le soyeux typique de la propriété tout en essayant de conserver une belle densité en milieu de bouche.
Comment caractériseriez-vous ce dernier millésime, en 3-4 adjectifs ?
Pour Château Giscours, les mots-clés qui ont guidé l’élaboration de ce millésime sont l’éclat aromatique, la précision, la fraîcheur et la densité.
Pour Château du Tertre, nous avons souhaité de la délicatesse, du soyeux associé à une belle gourmandise sans jamais masquer l’élégance.
Par ailleurs, avez-vous une actualité, dont vous souhaiteriez nous parler ?
Nous finalisons la préparation du parcours « Promenade » à l’intérieur de notre « forêt d’essences remarquables » qui sera ouvert au public à la sortie du confinement.
C’est au XIXème siècle, grâce au paysagiste Eugène Bülher, que d’importants aménagements sont réalisés dans le Parc. Des essences d’arbres exotiques et remarquables y sont plantées. Depuis 2019, des travaux sont menés dans ce parc de 40 ha afin de mettre en avant ces arbres rares qui peuvent aujourd’hui avoir près de 200 ans. Un projet est mis en place avec la section Agroforesterie de Bordeaux Science Agro afin d’identifier et de recenser toutes les essences du parc. Ils travaillent également à la réalisation d’un plan de gestion de la forêt afin que nous préservions au mieux ce patrimoine pour les générations futures.
Une partie du parc est classé en zone Natura2000. C’est en partenariat avec cet organisme que nous réalisons l’entretien du parc afin de limiter les espèces (végétales et animales) invasives et favoriser le développement et la préservation de la faune et de la flore locales.
Aujourd’hui, ce parc est une oasis de biodiversité non seulement végétale mais aussi animale, nous y trouvons des cistudes et plusieurs espèces d’oiseaux sauvages que nous protégeons avec des nichoirs.
Courant 2020 un parcours pédestre et éducatif va donc voir le jour sur une partie du parc afin de rendre accessible au public ce patrimoine écologique.
Nous avons aussi travaillé sur un grand projet « d’organisme agricole » au sens large en lien avec l’activité de notre « Ferme Suzanne » et l’esprit agricole qu’elle abrite avec un projet sur 2 axes majeurs :
- Agropastoralisme : toutes les prairies entourant le château sont tondues par un troupeau de 10 vaches bordelaises et de 77 moutons de race landaise (nous faisons partie du Conservatoire des Races d’Aquitaine pour ces deux races),
- Production culinaire : toute notre production agricole se base sur un projet de circuit court « du jardin à la table ». Désormais les fruits et légumes consommés lors de nos réceptions proviennent de notre propre potager et de notre verger. La viande est produite avec nos troupeaux de vaches et moutons, et les œufs viennent de notre poulailler.
Enfin, une fois le confinement terminé, quelle est la première chose que vous envisagez de faire ?
Nous ferons certainement une grande grillade avec toutes nos équipes pour nous retrouver et profiter d’être ensemble pour participer à la magnifique aventure de nos propriétés.
Coté personnel, ce sera l’occasion de retrouver nos amis et récupérer le temps perdu en ouvrant de belles bouteilles !