Carnet de Vendanges Millésime 2025


Elles sont une période importante dans la vie des Châteaux. À l’occasion des vendanges, nous sommes partis à la rencontre de ceux qui produisent le vin, des vignes aux chais, afin de prendre le pouls de ce Millésime 2025 qui s’annonce aussi élégant qu’atypique.
Chronique d’un Millésime, de Saint-Julien à Pessac-Léognan en passant par Saint-Émilion et Sauternes.

C’est une scène immuable de la fin d’été en Gironde. En septembre, le vignoble Bordelais vibre d’une énergie singulière ; dès l’aube, les vignes s’animent et se couvrent de silhouettes, sécateurs en main et hottes sur le dos. Mais cette année, les vendanges ne se racontent pas comme d’habitude. Ce jeudi matin de mi-septembre, pas un nuage à l’horizon : le soleil darde ses rayons sur les vignes de l’appellation Saint-Julien. Dans l’après-midi, le mercure doit monter jusqu’à 33 degrés, symbole d’une saison où il a fait chaud, très chaud. Résultat : les vendanges ont commencé très tôt. De mémoire de Médocain, c’est quasiment du jamais-vu ! « C’est au moins le millésime le plus précoce depuis 1989. Ici, nous avons débuté le 4 septembre, contre mi-septembre l’an passé », précise François-Xavier Maroteaux, Co-Propriétaire du Château Branaire-Ducru. Depuis les chais du Grand Cru Classé, le Directeur Jean-Dominique Videau se propose d’analyser la climatologie du Millésime : « L’été exceptionnellement sec et chaud a permis le développement de raisins de qualité, tant sur la richesse phénolique que sur la maturation des tannins. Et puis, à partir du 28 août, le temps a changé. On est passé de la sécheresse à la pluie. Ce changement de temps nous a fait peur mais a été très bénéfique en ralentissant la concentration des sucres. Résultat : nous avons un degré d’alcool plus bas que les années précédentes et le Millésime s’annonce très qualitatif ».
Dans les premiers lots de merlot qu’il a pu déguster, il perçoit déjà la singularité de 2025 : « Des couleurs denses, une belle richesse de matière, et surtout une texture soyeuse avec des tanins fondus ».

Rive droite comme rive gauche, ses équipes ont pu travailler sereinement, avec une dose de stress moindre que certaines années, grâce à l’absence de pression des maladies et au climat favorable jusqu’à cette fameuse canicule. À l’image de l’optimisme général qui règne dans les Châteaux quant à la qualité du Millésime, Nicolas Audebert se veut confiant : « Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir vinifié, mais ce que nous avons rentré est très beau », assure-t-il.

Lorsqu’il est parti en vacances début août, le vigneron était pourtant très confiant. Les journées chaudes et les nuits fraîches garantissaient de bons rendements et une grande qualité. Néanmoins, la canicule de la mi-août a rebattu les cartes : « Ces 15 jours ont tout déshydraté, les arbres ont jauni, il y a eu un changement considérable de l’aspect végétatif et un stress hydrique très fort. La vigne n’a jamais repris avec la pluie ; la conséquence, c’est une baisse de rendement à laquelle personne ne s’attendait. Ici, je voyais facilement 50 hectolitres à l’hectare. Au final, nous serons à peine à 35 », conclut-il. Pas de quoi cependant perdre le sourire. « Humainement, ce fut très agréable. Pas de course contre le botrytis comme l’an passé, pas de pluie battante. La canicule a même fait l’effeuillage naturellement. Les équipes étaient détendues ».

Cela participe grandement à la singularité des vins du Château Doisy-Védrines.
A Sauternes et Barsac où les vendanges ont été plus tardives, le Millésime est aussi prometteur. A la faveur des pluies de fin août, le botrytis s’est installé très tôt. Cette précocité bienvenue confère fraîcheur et intensité aromatique, gage d’équilibre et de complexité. Les premiers jus devraient voir naitre des vins liquoreux de haut potentiel, dans un style frais et élégant.

Aux Châteaux Canon et Berliquet, l’ambiance n’est pas en reste. « On vient de faire notre déjeuner de fin de vendanges. C’est un moment festif : plateau de fruits de mer, pièce de cochon grillée, légumes du potager, fromages et gâteau. Ça chante, ça siffle, on rit. Il faut que ce soit joyeux », confie Nicolas Audebert avant d’ajouter, avec le sens du devoir accompli : « Quand on a tout rentré et que c’est bon, on est contents ! ».
Alors que notre périple touche à sa fin, le même constat s’impose : 2025 promet la qualité des plus belles années bordelaises. L’adage selon lequel les Millésimes en 5 sont spéciaux est validé. François-Xavier Maroteaux le compare aux Millésimes de légende : « 75, 85, 2005 et 2015 sont superbes et je n’ai pas de doute : 2025 sera grand ». Une récompense pour les femmes et les hommes qui l’ont façonné, lequel aura exigé une vigilance de tous les instants, beaucoup d’adaptation. Mais les premiers jus de ce Millésime portent déjà en eux la promesse d’une élégance rare.
