Pavie Macquin, mélodie en sous-sol


À Pavie Macquin, on cultive le goût de l’excellence, associé à un certain art du décalage. Visite guidée de ce Cru phare de Saint-Emilion et de son nouveau chai d’élevage avec Cyrille Thienpont, le gérant des lieux.
En une froide matinée de décembre, le soleil rayonne sur les vignes de Saint-Emilion. En face du village médiéval, la vue sur l’église monolithe et son clocher est imprenable. Ce point de vue magistral, Cyrille Thienpont en profite quotidiennement depuis Château Pavie Macquin qu’il gère avec son père Nicolas. La visite débute par un clin d’œil à Albert Macquin, le fondateur du Domaine : “Saint-Emilion lui doit beaucoup : c’est lui qui, dans les années 1880 a mis en place la technique du plant greffé, permettant de sauver le vignoble du phylloxera. Il a aussi été un des premiers à développer une vision scientifique de la viticulture et le suivi parcellaire”. Dans la droite ligne des convictions de son fondateur, le parcellaire joue un rôle majeur à Château Pavie Macquin, où tous les lots sont dégustés séparément. Ici, le terroir est exceptionnel. Les vignes d’un seul tenant s’épanouissent des sols argilo-calcaires. On y retrouve une diversité étonnante avec 9 typologies différentes sur 15 hectares. “Sur le sommet, les sols sont profonds et argileux, le vin a un côté poudreux et granuleux, mais tendre à la fois. Sur les bordures, il a un côté plus énergique. Et sur la petite butte du milieu, les argiles rouges donnent un côté juteux et très salivant ! C’est fou cette magie du terroir sur nos vieux cépages” s’amuse Cyrille. Pour sublimer cette diversité, il faut des instruments adaptés. Depuis 2022, l’équipe dispose d’un outil de production flambant neuf pour produire des Crus toujours plus ciselés.

Au Domaine, le vignoble est planté d’environ 70 % de Merlot et 25 % de Cabernet Franc. Les raisins sont récoltés à la main et triés deux fois avant d’être versés dans des cuves un peu particulières. Au lieu de porter des numéros, celles-ci portent des prénoms féminins un brin surannés : Cunégonde, Aglaé, Berthe… “Dans les années 1960 et 1970, un des copropriétaires trouvait ça triste d’avoir des numéros sur les cuves, il avait un côté poète” s’amuse le maître des lieux. La suite se passe sous terre. Après être descendu à 7 mètres de profondeur, l’effet waouh est soudain. Le nouveau chai à barriques émerveille. Élégance, épure, minéralité, contraste. Toute l’essence de Château Pavie Macquin se reflète dans ce vaste espace qui multiplie les clins d’œil au terroir. Ainsi, les nuances de couleur et de texture sur les murs en béton évoquent les différentes couches du sol argilo-calcaire. Au plafond, 5 868 plots suspendus, semblent onduler et évoquent les courbes du vin. Ils sont tout juste parsemés de diodes pour refléter les étoiles ! Et au centre de la pièce, trône un rocher de 4 tonnes extrait pendant les travaux. L’ensemble est superbe, il vient d’ailleurs d’être nommé au prestigieux prix d’architecture “Archdaily 2025 Buildings of the Year Award.”

Mais ce bâtiment n’est pas qu’un bel écrin, c’est aussi un formidable outil de production. “Le principal avantage de ce chai, c’est qu’il est spacieux” explique Cyrille Thienpont qui propose de s’avancer vers les barriques où mûrissent les jus du Domaine. Le vigneron prend une pipette et la plonge dans une barrique de Cabernet Franc qu’il nous offre le privilège de déguster : “Le cépage amène une dimension aérienne. Avec lui, le vin est moins sur la matière et acquiert une énergie assez remarquable, presque évanescente”. Il s’avance ensuite vers le Merlot, également magnifique. Ne reste plus qu’à bonifier les différents lots par l’art délicat de l’assemblage. “En complément du Merlot, le Cabernet Franc vient agrandir le Grand Vin, à la façon dont l’art gothique a élargi la perspective romane : on agrandit les espaces, on fait rentrer la lumière par la grande fenêtre”, détaille Cyrille Thienpont.
Faire un Grand Cru, c’est aussi un exercice poétique.
