Matt Dulle : « J’adore les millésimes sous-estimés »
A quelques jours du début de la tournée de promotion du Millésime 2022 sur le marché Nord-Américain (du 16 au 24 janvier 2025), Vintage a rencontré le Sommelier du restaurant Spago à Beverly Hills: Matt Dulle, qui possède l’une des plus belles cartes des vins de Californie. Les Grands Crus de Bordeaux y jouent d’ailleurs un rôle majeur.
Bonjour Matt, vous préparez une masterclass à Los Angeles durant la tournée de l’Union des Grands Crus de Bordeaux, pouvez-vous nous en dire plus sur vous ?
Je suis Chef Sommelier chez Spago, qui est une institution à Beverly Hills. Je travaille depuis 25 ans dans la restauration. Originaire du Midwest, j’ai travaillé à Saint-Louis, Chicago, puis dans le nord de la Californie pendant un moment. Cela fait un an et demi que je suis arrivé à Los Angeles. Au début de ma carrière, j’ai eu la chance de travailler pour un Club qui organisait des diners privés et qui avait de très belles références en Bordeaux. Grâce à cela, cette région a toujours été très importante à mes yeux. Depuis que je travaille chez Spago, je constate que les Grands Crus de Bordeaux reviennent très fort auprès de nos clients. Ils figurent même parmi les vins que nous vendons le plus.
" Je constate que les Grands Crus de Bordeaux reviennent très fort auprès de nos clients. Ils figurent même parmi les vins que nous vendons le plus. "
Vous avez remarqué que les clients américains sont très friands de Bordeaux depuis quelques années ?
Oui, sans aucun doute. Au moins en Californie, et je pense que c'est aussi le cas à New York et dans la majorité des grandes villes. Spago a toujours eu du succès avec les vins de Bordeaux, mais récemment leur popularité a explosé. Ils ont presque remplacé les vins de Bourgogne (rires) ! Je ne sais pas exactement la raison de cette tendance, mais c'est assez impressionnant.
En ce qui concerne votre travail chez Spago, comment construisez-vous une carte des vins de classe mondiale ?
Selon moi, la qualité d'une carte des vins ne dépend pas de sa longueur ou du nombre de références. En revanche, chaque client du restaurant doit trouver une bouteille qui lui convient ; elle doit être unique. C'est pourquoi, en amont, je m'efforce de goûter toutes les étiquettes que nous proposons. Je les traite comme des « stars » (rires) ! Chaque bouteille doit rendre son dégustateur heureux…
Pour en revenir aux Grands Crus de Bordeaux, qu’avez-vous appris grâce à eux et quels sont vos vins favoris ?
Ces grands vins ont façonné mon point de vue sur l'importance des millésimes. Le millésime semble être Roi à Bordeaux, mais honnêtement, j'aime ceux sous-estimés. 2003 en est un excellent exemple. Il a été délaissé par certains critiques, mais il est très particulier et produit des vins étonnants. Je suis né en 1983 et j'ai eu la chance de goûter de nombreuses bouteilles de mon année de naissance parce qu'elles étaient moins chères et plus disponibles que les 1982, par exemple. De nos jours, certains des meilleurs 1983 peuvent rivaliser avec les meilleurs 1982. C'est pourquoi, j'aime les millésimes qui sont « un peu oubliés ».
Quelle est votre philosophie en tant que Sommelier ?
Ma mission principale est d’accompagner les clients à goûter le vin sans avoir de préjugés. Je me suis rendu compte que lorsque j'étais plus jeune, j'abordais le vin d'un point de vue critique et j'ai décidé de travailler différemment parce cela nuisait à mon plaisir. Depuis, j’aborde chaque vin de manière plus positive. De nombreuses personnes ont dédié leur existence à ce vin : les propriétaires, les vignerons, les personnes qui ont travaillé la terre, les distributeurs, les négociants...Le moins que l'on puisse faire est de leur rendre hommage et de dire quelque chose de positif sur le vin. C'est une façon de montrer notre respect pour le travail accompli.
Vous avez des souvenirs marquants de Grands Crus du millésime 1983 ?
Mon frère et moi avons l'habitude de nous inviter à dîner pour nos anniversaires. Je me souviens que pour mon trentième anniversaire, il avait trouvé une bouteille de Château Mouton Rothschild ! Nous l'avons dégustée et j'en suis tombé amoureux !
Avez-vous une appellation préférée ?
Sans aucun doute, Saint-Julien. C’est celle que je conseille le plus régulièrement aux clients du restaurant parce que je pense c'est la plus typée « nouveau monde ». Pour moi, c'est la porte d'entrée parfaite vers les Grands Crus de Bordeaux pour les clients américains. Si j’ai face à moi, une personne qui apprécie le cabernet californien et qui veut découvrir Bordeaux, je l’emmène directement à Saint-Julien.
Avez-vous eu l'occasion de visiter Bordeaux récemment ?
J'ai eu l'occasion de me rendre à Bordeaux pour la première fois l'année dernière. C'était absolument génial. Nous avons passé 7 jours à parcourir les vignobles. J'ai eu l'occasion de visiter 75 % des Châteaux qui figurent sur ma carte. Le millésime qui a vraiment enthousiasmé tout le monde lors de ce voyage était le 2014. L'une des grandes leçons que j'ai tiré de mon voyage à Bordeaux, c'est que même si je vends ces vins depuis tant d'années, je ne connaissais pas réellement l'endroit. Lorsque vous rencontrez les familles qui produisent ces nectars, que vous voyez les terroirs où ils naissent, c'est tellement plus vivant. Vous pouvez voir l'humilité et la personnalité des lieux et deviner celle des vins, c'est génial !
