Tout comprendre sur les Primeurs, cette semaine décisive du vignoble bordelais
Les primeurs ont lieu à chaque printemps à Bordeaux. Mais au fait, de quoi parle-t-on ? Petit guide pour tout comprendre sur cette semaine à enjeux.
Qu’est-ce que les primeurs de Bordeaux ?
"Lorsque le mondo vino parle de primeurs, cela n’a rien à voir avec une opération comme le lancement du beaujolais nouveau, ni avec un vin primeur, qui désigne un vin jeune, destiné à être consommé dans les mois suivant la récolte. Ici, il s’agit de commercialiser les vins des différentes appellations de Bordeaux alors qu’ils sont encore en élevage dans les chais des propriétés où ils resteront jusqu’à la mise en bouteille. Cette période de maturation et d’affinage en barriques prend du temps (souvent deux ans). Les primeurs permettent alors aux domaines de financer l’immobilisation du vin sans en assumer tous les risques."
Depuis quand les primeurs existent-ils ?
"Le principe de ces achats anticipés en primeur vient des Anglais qui le pratiquaient pour les vins de Porto au XVIIIᵉ siècle. En France, c’est l’Union des Grands crus de Bordeaux (UGCB) qui a mis en place les primeurs, dans les années 1970. Jusque-là, les propriétés présentaient leurs vins aux négociants à différents moments de l’année. Une cacophonie qui n’était pas propice au commerce. Depuis une cinquantaine d’années, il a été décidé d’une semaine (qui dans les faits recouvre plutôt trois ou quatre semaines) de présentation commune, aujourd’hui fin avril."
"En France, c’est l’Union des Grands crus de Bordeaux (UGCB) qui a mis en place les primeurs, dans les années 1970."
Quand peut-on consommer les vins des primeurs ?
"Entre la signature du bon de commande et le moment idéal de dégustation des vins achetés, il va se passer souvent plusieurs années. Déjà, il faudra attendre deux ans avant la livraison des bouteilles. Pour les plus grands châteaux, la patience sera une vertu indispensable, car les vins ne seront à leur optimum que cinq ans au minimum plus tard. Pour d’autres, ils pourront être appréciés dans leur jeunesse, même si le temps ne pourra que leur apporter une dimension supplémentaire."
Vaut-il le coup d’acheter ses vins durant les primeurs ?
"Les vins vendus en primeur sont généralement moins chers (de 10 à 30 %) que les prix que le consommateur pourra retrouver chez un caviste, dans deux ans au minimum. Cette différence s’explique par la plus faible marge que prennent les négociants et les détaillants qui n’ont pas à assumer le stock (puisque les vins sont toujours dans les chais des châteaux) ni à les promouvoir. Pour obtenir le meilleur prix, les primeurs sont une bonne opportunité. Mais le prix d’achat en primeur ne constitue pas une garantie de faire une plus-value."
Comment sont-ils notés ?
"Notre équipe de dégustateurs déguste des centaines de vins pendant les primeurs. Un travail de longue haleine aussi bien chez des œnologues-conseils, dans les propriétés que lors de dégustations organisées par l’Union des Grands crus de Bordeaux ou chez de grands négociants de la place. Un exercice délicat, car il faut à la fois témoigner des qualités actuelles de ces jeunes vins que de celles qu’ils pourront offrir aux amateurs dans les prochaines décennies. Parmi ces centaines de vins dégustés, découvrez les 100 meilleurs Bordeaux du millésime 2023."
Qui déguste durant ces primeurs ?
"Au printemps, des centaines de professionnels du vin – journalistes, acheteurs, importateurs, revendeurs et sommeliers – se retrouvent à Bordeaux pour déguster les vins de la dernière vendange. Pendant ces quelques jours (qui peuvent s’étaler un peu plus dans le temps que la semaine officielle), ils goûtent jusqu’à 200 vins par jour qu’ils notent et commentent, que ce soit lors de dégustations collectives comme celle de l’Union des Grands crus de Bordeaux, chez les œnologues-conseils ou directement dans les propriétés."
Est-ce un événement privé ?
"Sans être un événement privé, la semaine des primeurs et ses dégustations sont réservées aux professionnels. Pas question de pousser la porte d’un château en tant que simple consommateur pour pouvoir déguster les vins. D’autant qu’ils sont à peine sortis des fûts pour l’occasion et que l’exercice de dégustation peut en dérouter plus d’un. Il n’est pas toujours facile d’imaginer, sous les tannins et le boisé parfois intense, quelles seront ses qualités aromatiques et gustatives dans 18 à 24 mois."
Y a-t-il d’autres régions que Bordeaux pour les primeurs ?
"Quelques domaines bourguignons et du Rhône ont tenté de lancer des ventes en primeur, mais le mouvement est resté plus que modéré. Aujourd’hui, quand on parle de primeurs, il faut vraiment comprendre Bordeaux. Et ce qui a fait leur succès tient en grande partie à l’énergie déployée par «la place» pour vendre ces vins dans le monde entier. C’est-à-dire les 400 négociants que compte Bordeaux, dont seulement 150 travaillent avec les grands crus classés."
Comment et où acheter des vins en primeurs ?
"Si les ventes en primeur sont l’affaire des professionnels, Internet a permis d’ouvrir l’accès à ces vins aux particuliers grâce aux ventes en ligne. Cela concerne aussi bien les grands crus classés – sinon souvent inaccessibles – que des bouteilles bien plus abordables. Pour acheter un vin en primeur, il est important de choisir un négociant ayant très bonne réputation. De grands noms du négoce, à l’instar de Duclot par exemple et Chateauprimeur.com, ont mis en place des sites dédiés qui affichent en temps réel les prix réclamés par les propriétés. Que vous préfériez regarder sur Lavinia, Millésima ou iDealwine, vous pourrez vous positionner sitôt les prix de vente annoncés, les très grands châteaux étant bien sûr pris d’assaut, mais aussi certains noms ou appellations moins réputés, mais de grande qualité. D’où l’intérêt de suivre les notes et les commentaires des journalistes et des critiques, indispensables pour se faire une idée. Une fois payé votre commande, il faudra vous armer de patience avant de recevoir vos bouteilles qui ne seront livrées que d’ici deux ans en moyenne."
Comment savoir si un vin des primeurs va bien vieillir ?
"Pour les vins rouges, la présence d’une acidité élevée (qui va s’équilibrer avec le temps), de tanins puissants (qui vont s’adoucir) et d’arômes complexes sont de bons indicateurs d’une capacité de garde importante. Bien évidemment, le millésime et le terroir sont également des indicateurs de longévité importants.
Pour les vins blancs, l’acidité et la complexité aromatique vont définir le potentiel de vieillissement. Quant au sucre, et ses effets antioxydants, ils permettent aux liquoreux comme les sauternes et les barsac de vieillir très longtemps (parfois des décennies s’ils sont bien conservés) en acquérant une aromatique particulièrement complexe."
Quel est le prix moyen à débourser pour un vin en primeur ?
"Les prix des vins en primeurs sont très variés, selon les appellations, et vont d’une dizaine d’euros à plusieurs centaines pour les plus grands châteaux, souvent pris d’assaut par les négociants pour leurs meilleurs clients français et internationaux. Il faut donc guetter les parutions des prix de ventes sur les sites d’e-commerce et ne pas trainer pour faire ses achats."
Quelle est la plus-value moyenne que l’on peut espérer 10 ans plus tard sur ce même vin ?
"La plupart des acheteurs de vins de Bordeaux en primeur sont gagnants entre le prix d’acquisition et celui de revente éventuelle quelques années plus tard. D’après le site Boursorama.com, la plus-value moyenne serait même de 47,2 % en dix ans. Les vins les plus prestigieux, fréquemment objet de spéculation, peuvent voir leur prix s’envoler. Certains vins de 2000 et 2003 ont pris presque 80 % et se revendent à prix d’or sur Ebay par exemple. Des amateurs n’hésitent pas à inclure des vins en primeur dans leur stratégie patrimoniale en se concentrant sur des vins de très longue garde, à très forte notoriété comme les premiers crus."
Par Béatrice Delamotte