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« L’assemblage, c’est comme un jeu d’échecs » Rencontre avec Eric Boissenot
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« L’assemblage, c’est comme un jeu d’échecs » Rencontre avec Eric Boissenot

C’est l’un des œnologues consultants les plus reconnus au monde, Eric Boissenot conseille de très nombreux Grands Crus du Médoc. Il livre ici sa vision du métier, ses convictions et son analyse pour le millésime à venir. Bonne nouvelle ! 2020 sera selon lui une grande année.

Bonjour Éric, en quoi consiste le métier d’œnologue conseil ?

C’est un métier assez vaste qui consiste à collaborer avec les équipes des domaines pour leur apporter une expertise et un accompagnement en amont de toutes les décisions techniques importantes. Ainsi je n’interviens pas uniquement au moment de l’assemblage. Mon travail commence dès la récolte où j’aide à définir la maturité du raisin, les vendanges, puis ensuite l’écoulage, le pilotage des vinifications, le pré-assemblage et l’assemblage. J’interviens tout au long du processus.

Comment vous définiriez votre rôle, votre vision de l’assemblage. Y a-t-il une touche Boissenot ?

Je dirais que la touche Boissenot, s’il y en a une, c’est justement de laisser s’exprimer au maximum la personnalité, le sens de l’endroit et la complexité des lots. Cette complexité est issue de la qualité des terroirs, de l’âge des vignes… Il faut comprendre cela, le saisir, le voir. C’est cela qui guide l’assemblage. En réalité c’est le terroir qui décide, il faut l’écouter, être attentif et l’accompagner. Est-ce une touche personnelle de vouloir faire en sorte justement que le style qui s’exprime soit le plus fidèle possible au terroir, à l’endroit ? On pourrait dire que oui ou que non !

Qu’est-ce que vous recherchez lors de l’assemblage ?

D’abord comme je vous l’ai dit, quelque chose qui ressemble au lieu. Quand on a goûté les lots et que l’on a perçu cela, il faut créer un équilibre. Mettre les éléments ensemble pour créer une harmonie. Or cela n’est pas automatique, ce qui est très bon individuellement n’est pas forcément optimal dans un assemblage. Il faut trouver comment harmoniser, ajuster les proportions, utiliser les complémentarités, comment un élément peut en intégrer un autre. Tout l’art de l’assemblage, c’est comprendre cela. Selon moi, la principale qualité pour faire ce métier, c’est d’être très observateur. Je suis toujours en train de décortiquer, de comprendre le pourquoi de mes choix, ce qui les conditionnent.

"C’est le terroir qui décide, il faut l’écouter, être attentif et l’accompagner"

Il vous arrive souvent de trouver des lots individuellement excellents et impossible à intégrer lors de l’assemblage ?

Si un lot est remarquable et qu’il n’arrive pas à s’intégrer, c’est à moi de m’interroger et de me dire que ça n’est pas normal. Si je n’arrive pas à le mettre, c’est peut-être que je n’ai pas tout bien fait, que dans l’assemblage, quelque chose ne permet peut-être pas à ce lot remarquable de rentrer. Le résultat final est-il meilleur avec ce lot ou sans lui ? C’est un travail intellectuel qui prend énormément de temps, c’est comme un jeu d’échecs. Vous avez l’échiquier devant vous et des possibilités multiples. Laquelle sera la plus efficace, la meilleure, y a-t-il une parade que vous n’aviez pas vue ?

On imagine que ce travail intellectuel exige une grande concentration ?

En ce moment, je finis les assemblages en vue des primeurs. Je goute les vins que l’on a déjà assemblé et mis en barrique. Les vins bougent beaucoup, c’est la période la plus compliquée, il faut les suivre. Alors je goute 10 à 12 heures par jour, tous les jours. De 7h à 20h, ce qui exige effectivement une concentration intense d’autant que la bouche est simplement un intermédiaire, un média, c’est le cerveau qui travaille. Pour être concentré, j’ai des méthodes personnelles. Pour rentrer dans la matière, s’en imprégner, il ne me faut aucun bruit et j’ai quelques rituels. Je fais tout pour me mettre dans des bonnes conditions. Quand je rentre dans une pièce, je choisis un endroit qui me semble intéressant. Je suis très sensible à cela. Quand je déguste il ne doit y avoir aucune contrainte, ça n’est plus que le vin et moi. Il faut évacuer tout le reste, les contrariétés personnelles, le bruit et ne penser à rien pendant la dégustation. Les conditions doivent être optimales pour ne rien laisser au hasard.

Avec tous les lots que vous goutez, vous devez avoir un œil aiguisé sur le millésime 2020, quel regard portez-vous ?

C’est vraiment un très grand millésime qui s’annonce. Nous allons faire une trilogie incroyable entre 2018, 2019 et 2020. Nous avons eu un climat merveilleux qui nous a beaucoup aidé, avec un été chaud et sec qui a permis une belle maturité et un peu de pluie mi-août qui a permis à la vigne de survivre à la chaleur. Le résultat, ce sont des vins incroyables avec un peu moins d’alcool que l’année dernière, un peu plus classiques en apparence mais très mûrs avec beaucoup de longueur. C’est un grand millésime, il n’y a aucun doute là-dessus !

Arthur Jeanne

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